Quand j’étais au collège, je rêvais de faire des études dans le tourisme. Mes résultats étaient moyens, mais j’aimais les langues, découvrir d’autres cultures, aller à la rencontre de l’autre. Ce projet me faisait vibrer.
Pourtant, mes professeurs n’ont pas cru en moi. Pour eux, je n’étais pas “faite pour ça”. Leur verdict est tombé : ils voulaient m’orienter vers un BEP Secrétariat, une voie professionnelle par défaut, souvent proposée aux filles.
Comme le montre une étude du CEET (Centre d’études de l’emploi et du travail), « les jeunes filles sont encore massivement orientées vers les filières de secrétariat ou de services, dès lors que leur niveau scolaire est jugé moyen ».
Mais moi, je voulais étudier, m’élever, sortir de ma condition sociale. Un soir, ma mère m’a dit une phrase que je n’ai jamais oubliée :
“Amandine, fais des études.”
Je l’ai gardée en moi comme un cap. Un moteur. Une promesse.
J’ai persévéré. J’ai pu entrer en filière générale. Ce fut difficile : j’ai redoublé une fois. Puis, en première, on m’a proposé une réorientation vers un bac pro Services en milieu rural, à Agen. Ce n’était pas un recul : c’était une révélation.
Cette formation faisait le lien entre tourisme et territoire, elle m’a permis de m’épanouir, de faire des stages en France et à l’étranger, et surtout, de décrocher une place en BTS Tourisme — Vente et production touristique.
À l’époque, il fallait d’excellents résultats pour y accéder. Et comme le souligne la DEPP (ministère de l’Éducation nationale), « seuls 20 % des bacheliers professionnels accèdent à un BTS, mais ceux qui y parviennent réussissent aussi bien que les autres ».
Ce parcours n’était pas un échec. C’était une étape décisive, un détour riche d’enseignements, un tremplin. J’y ai appris la résilience, la confiance, le sens du concret.
Quand mes anciens professeurs ont découvert mon parcours, ils ont été positivement surpris.
Moi, non. Parce que je savais, depuis le début, ce dont j’étais capable.
Mais je n’oublie pas les moqueries de certains jeunes de mon âge. Dans les années 2000, la voie professionnelle était stigmatisée, perçue comme un choix par défaut.
Comme le rappelle le CNESCO (Conseil national d’évaluation du système scolaire), « l’orientation vers la voie professionnelle est souvent socialement dévalorisée et jugée comme une voie de relégation ».
Pourtant, c’est ce chemin marginalisé qui m’a permis de réaliser mon rêve, de vivre un an à l’étranger, et aujourd’hui de porter un projet engagé : Terrattitude.
Ce que je veux transmettre aujourd’hui
Notre potentiel ne se mesure pas à nos bulletins scolaires.
Il se révèle quand on nous laisse croire en nos rêves.
À toutes celles et ceux qu’on classe trop vite, qu’on sous-estime, qu’on oriente sans les écouter :
vous avez le droit de rêver grand.
Vous avez le droit de choisir votre voie.
Et surtout, vous avez les ressources en vous pour y arriver.
Études qui confirment ce témoignage
- Le poids de l’origine sociale dans l’orientation :
CNESCO (2016) — « L’orientation à la fin du collège reste très liée au milieu social. »
Source officielle du rapport
- Stigmatisation des filières pro :
INSEE (2019) — « Les filières professionnelles sont socialement moins valorisées, malgré leur utilité. »
- Accès limité mais possible au BTS pour les bacs pros :
DEPP – Ministère de l’Éducation nationale (2021) — « Seulement 1 élève sur 5 issu d’un bac pro accède au BTS, mais ceux qui y arrivent réussissent bien. »
- Orientation genrée et préjugés :
CEET, D. Fabbri & M. Gauthier (2020) — « Les filles sont encore majoritairement orientées vers les filières de soins, d’aide ou de secrétariat. »
- La voie pro comme levier de réussite pour certains profils :
Agnès van Zanten (2013) — « Les parcours atypiques sont souvent les plus riches en transformation sociale. »