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Une agriculture vivante, joyeuse, féminine et résolument humaine

Par Amandine Toulza, fondatrice de Terrattitude

Quand le corps dit stop, l’âme se met à créer

En 2018, mon corps a dit stop. Ma tête aussi. Je terminais un cycle. Celui d’un acharnement invisible, d’un travail acharné, vécu dans l’ombre, sans reconnaissance, sans pause.

Depuis 2011- 2012, j’avais tout donné à la pépinière :

  • Des matinées sans pause de 6h à 12h.
  • Des petits déjeuners pris sur mon ordinateur.
  • Des déjeuners avalés en vitesse.
  • Des journées qui se terminaient à 21h ou 22h.
  • Des repas du soir avalés sans même les mâcher.
  • Des dimanches passés couchée à tenter de récupérer avant de repartir dès l’aube le lundi.

Je ne respirais plus. J’étais constamment en stress en pleine saison : j’apprenais le métier et je devais m’adapter au vivant, aux lieux, aux humains.

Je travaillais partout, tout le temps : dans les serres, au bureau, à l’accueil, aux prises de commandes, aux devis, à l’arrosage, à la préparation des palettes, au rangement, au bricolage…

Et pour ne rien simplifier, nous vivions entre deux régions — à l’époque, Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon (aujourd’hui Occitanie) : une partie de l’année dans le Gard, l’autre dans le Tarn-et-Garonne. Une vie nomade, décalée, parfois pesante. Un rythme incompris par beaucoup. Mais c’était mon choix de rester et de continuer. J’aurais pu arrêter.

Je vivais avec deux valises, je faisais suivre mes papiers administratifs et personnels. Avec le recul, je ne savais même plus où je créchais. C’était un épuisement physique et mental. Il fallait s’adapter sans cesse à de nouveaux lieux, de nouvelles équipes, de nouvelles façons de travailler. Et même si j’avais quelques vacances, cela ne suffisait pas. Mon corps et mon esprit ne parvenaient pas à récupérer, car j’assurais souvent une permanence téléphonique ou administrative.

Et surtout, je n’avais pas le droit d’être fatiguée. Ni de me tromper.

Il y a 15 ans, je n’aurais jamais imaginé parler de mon travail en public, encore moins me filmer. J’étais épuisée, et surtout très timide.

Être une femme dans un monde qui juge

Dans l’agriculture, être une femme, c’est devoir faire plus pour obtenir la moitié du crédit. J’ai été jugée, sous-estimée, comparée, ignorée. Mais j’ai tenu. Et j’ai choisi de tenir.

J’ai été élevée avec cette idée : « Il faut travailler dur. L’argent ne tombe pas du ciel. » Je l’ai intégré, je l’ai vécu. Et avec du recul, je sais que seulement 10 % des filles de ma génération auraient pu suivre ce rythme. Et j’en suis fière.

Ce que je regrette, c’est de ne pas m’être sentie légitime plus tôt. De ne pas avoir affirmé mon charisme face à ceux qui, hors du monde agricole, jugeaient sans savoir.

Aujourd’hui, je sais que j’aurais dû parler. Prendre ma place. Ouvrir ma voix.

L’agriculture jugée, le terrain ignoré

Ce n’était pas seulement l’épuisement physique. C’était aussi une blessure morale : voir l’agriculture moquée, caricaturée, réduite à des clichés faciles. Voir l’écart grandir entre citoyens et agriculteurs. Voir les paysans ignorés, pendant que les experts médiatiques ou politiques — souvent hors sol — monopolisent la parole.

Et malgré toutes les alertes lancées par celles et ceux qui travaillent vraiment la terre, ce sont trop souvent les voix extérieures qui sont écoutées.

Est-ce du mépris de classe ? Peut-être. Certainement.

Le mépris de classe, c’est cette forme de regard condescendant ou d’invisibilisation sociale que subissent les personnes issues de milieux populaires. Ce sont ces jugements implicites qui hiérarchisent les vies, les métiers, les voix qui “valent” et celles qu’on ignore.

C’est un sujet qui me touche au plus profond. Parce que je l’ai ressenti dans ma chair. Parce que ce mépris silencieux envers les « petites mains », les ouvriers du vivant, les travailleurs invisibles, c’est une forme de violence sociale qu’on ne nomme pas assez.

Moi, je l’ai vécu dans l’agriculture. Mais je l’avais déjà croisé avant : dans les regards condescendants, dans les conseils pleins de préjugés, dans les remarques faites à ma famille. À l’époque, on m’avait dit de ne pas répondre. De ne pas faire de vague.

Aujourd’hui, je refuse ce silence. Aujourd’hui, je prends la parole. Parce que notre vécu mérite d’être entendu.

Un chemin, une identité

Lorsque j’ai commencé à créer le blog, le site, la page Facebook Terrattitude, la communication s’est faite step by step. Au début, je n’osais pas dire que j’étais agricultrice. Je ne montrais ni mon visage, ni mon métier.

J’écrivais sur l’agriculture. Publier une photo de moi de dos, oui. Mais de face ? Non. Trop de doutes. Je ne me pensais pas légitime à parler d’agriculture.

Je ne rentrais dans aucune case. Je ne correspondais à aucun modèle préétabli. Et puis j’ai compris : Mon expérience atypique est une richesse.

Aujourd’hui, je chante, je danse, je raconte, je crée. Je fais voyager à travers mes outils, mes récits, mon vécu.

Terrattitude m’a réconciliée avec moi-même. Il m’a permis de rencontrer des publics variés, de transmettre une autre vision de la terre : libre, artistique, nourricière.

Terrattitude : réparer les liens, incarner une agriculture vivante

Terrattitude est la réponse directe à cet épuisement physique, à cette remise en question profonde de ma manière de travailler. C’était un appel intérieur : je ne pouvais plus continuer ainsi, ni pour moi, ni pour les autres. Il fallait faire autrement, transmettre autrement, vivre autrement.

Terrattitude est née aussi de tout ce que j’ai appris à travers mon métier, mon parcours personnel et professionnel : ma relation au vivant, à la terre, aux autres. J’ai voulu offrir cela, le transmettre via des outils multiples, sensibles, accessibles. Et surtout, exprimer ma créativité, donner vie à mon moi profond.

C’est ainsi qu’est née Terrattitude. Une voie d’expression, un pont sensible entre ceux qui cultivent et ceux qui consomment. Une réponse créative et joyeuse à un manque de dialogue et de reconnaissance.

Une énergie neuve. Un cri doux. Un Art Terre Happy où tout ce que j’avais à l’intérieur de moi a pu, et continue de, s’exprimer à travers ces différents outils ou canaux de communication.

J’ai voulu créer une boîte à outils atypique pour les « consommacteurs », petits et grands, afin de se reconnecter au vivant autrement.

Terrattitude m’a transformée. Il m’a permis d’oser :

  • dire non
  • dire oui
  • dire qui je suis

Les 5 outils de Terrattitude

  • L’application mobile (2020) Conçue dans mon Algeco, dessinée à la main avec mon conjoint. Une solution concrète pour relier citoyens et producteurs locaux. Financée de façon 100 % autonome, sans récompense mais avec une foi inébranlable.
  • Les livres jeunesse Nés lors d’un moment de repos dans mon lieu d’enfance. Pour transmettre la magie de la terre aux plus jeunes.
  • Les ateliers pédagogiques De Nîmes à Codognan, en passant par Le Cailar… J’ai osé, surmonté ma timidité, et trouvé une nouvelle forme d’expression en transmettant.
  • Les Mini-Pousses Créées pour le Salon de l’Agriculture Gardois JM’S à Nîmes. Des plantes rares, mises en scène avec esthétisme et humour. Un manifeste pop, joyeux, végétal.
  • La prise de parole Dans les écoles, les médias, sur scène ou dans ma serre. J’ai appris à affirmer ma vérité, celle d’une femme agricultrice, sensible, créative, légitime.

En conclusion

Terrattitude m’a redonné goût à la vie. Elle m’a offert un nouveau souffle, un sens plus profond à mon métier, à la transmission, à l’envie d’ouvrir le champ des possibles.

Peu importe les critiques que l’on peut entendre sur l’agriculture : je sais où je vais, je sais qui je suis, et chaque jour, j’agis. Je fais de mon mieux avec les moyens humains et financiers dont je dispose, pour faire bouger les lignes, pour bousculer les regards, pour transmettre.

Je suis comme un petit colibri qui fait sa part. J’apporte ma goutte d’eau. Je mets des paillettes, du rock, du fun, du pop dans l’agriculture. Et de la douceur aussi.

Rien n’est parfait, mais j’agis.

Aimons nos agricultrices. Aimons nos agriculteurs.

L’agriculture est rock, fun, féminine et vivante. Les agriculteurs et agricultrices sont les rock stars du quotidien.

Aimons-les. Soutenons-les. Écoutons-les. Célébrons-les.

Terrattitude, c’est ma manière de dire :

  • Oui à la transmission
  • Oui à la prise de parole
  • Oui à une agriculture humaine, incarnée et joyeuse

Je suis Amandine Toulza. Je suis agricultrice. Je suis créatrice. Et je suis vivante.Terrattitude, c’est moi. Et c’est vous aussi.

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