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Entretien avec Back to Earth

Amandine terrattitude dans ses champs

Quel est ton parcours ? Je suis fille et petite fille d’agriculteurs, originaires de la Réunion. Après un bac pro en agriculture, j’ai fait des études de tourisme et suis partie pour San Diego. Je suis finalement revenue à la terre, par amour, en m’installant avec mon conjoint qui a repris les pépinières de ses parents. Je suis « retournée » à la terre, après une première expérience compliquée puisque mes parents avaient de grosses difficultés financières sur leur exploitation de polyculture élevage et ma mère m’a toujours, pour cette raison, incitée à m’éloigner de l’agriculture.  J’ai donc appris le métier sur le tas avec mon mari et ses parents, en les observant et surtout en me « plantant ». J’aime bien dire que « c’est en plantant, ou en se plantant que l’on apprend ». Si mon conjoint s’est concentré sur l’activité historique de plants de melons, j’ai créé un autre  secteur, en diversifiant la production de plants vers d’autres légumes,  aubergines, courges, aromatiques et de fleurs comestibles. Il a fallu trouver des clients qui me fassent confiance sur ces nouveaux  produits. J’ai ensuite créé une boutique pour les particuliers avec l’objectif de transmettre, de faire connaître notre métier et la richesse du vivant. Je ne vous cache pas que cela n’a pas été facile, j’ai dû me battre pour faire ma place, à la pépinière, auprès des équipes, de la belle famille, convaincre mon compagnon de me soutenir dans mes projets afin de les porter plus sereinement. Tu portes par ailleurs un  projet associatif, Terrattitude, quelle est sa vocation ? Terrattitude est là pour éveiller les sens et les consciences. C’est une association dont le but est de donner des clés et des outils pour un public large de 3 à 99 ans, pour qu’ils se reconnectent au vivant et à l’alimentation. J’ai ainsi développé divers outils : une appli qui référence des produits locaux, des ateliers pour les enfants de la maternelle à la primaire pour leur parler du vivant, des ouvrages de jeunesse mais également des interventions sous forme de conférences. J’aime beaucoup faire le parallèle entre nous, êtres humains et la façon dont le vivant fonctionne. J’essaie de transmettre d’une autre manière, de sensibiliser à la saisonnalité, au gaspillage alimentaire en utilisant des outils ludiques et beaux. Je transmets mon expérience et c’est à chaque agriculteur de prendre la parole pour transmettre aussi la sienne. Pourquoi est-ce important pour les agriculteurs et les agricultrices de prendre la parole ? L’agriculture est un sujet complexe et il est important que les personnes témoignent car les choses ne sont ni noires, ni blanches, il faut absolument que les agriculteurs s’expriment directement pour lutter contre les biais et les préjugés qui leur nuisent.  Chaque agriculteur peut s’exprimer sur ses difficultés, mais aussi ses bonheurs, partager ses pépites.  La société actuelle est déconnectée du monde agricole. Avant, on avait tous un parent proche ou éloigné qui travaillait dans l’agriculture. Un fossé s’est creusé depuis entre l’agriculteur et le consommateur. Or c’est un métier important, pilier de notre société. On travaille avec le vivant, on nourrit les gens ! Tu as de multiples facettes, comment te décrirais tu ? Je me présente en premier lieu comme agricultrice, j’aime ensuite rajouter entrepreneuse bien sûr et slasheuse, car il est vrai que j’aime créer de nombreux projets. J’ai par exemple mis en place des visites à la ferme notamment avec le CIVAM Gard Lozère, et bienvenue à le ferme et puis j’essaie de communiquer sur notre métier de donner envie, de montrer qu’un projet agricole doit être rentable.  Peut-on parler selon toi de « retour à la terre au féminin » et dans ton observation quelles seraient les contributions des femmes au renouvellement des actifs et des pratiques agricoles ? Oui je pense qu’on peut parler d’un retour à la terre au féminin. Il y a toujours eu des agricultrices, mais elles étaient invisibilisées, avec un statut pas avantageux. Si l’on reste encore dans un métier dominé par les hommes, de plus en plus de femmes prennent la parole et osent communiquer.  Peut-être ont-elles plus d’affinité avec la communication ? Pour ma part le retour à la terre au féminin, se traduit aussi de façon très concrète par de l’entraide et une solidarité entre femmes. Par exemple j’ai soutenu deux de mes clientes, l’une tout juste installée et l’autre installée depuis quelques années. Elles passaient par des difficultés que j’avais connues et j’ai pu du coup être utile de façon très concrète. C’est vraiment satisfaisant. Les femmes jouent-elles un rôle dans les transitions dans ton entourage ? Je n’observe pas de rôle spécifique des femmes. J’observe une montée en puissance des transitions, portées également par des hommes et des femmes. Quelles actions mènes-tu auprès des plus jeunes et pourquoi ? J’ai créé des ateliers vivants pour comprendre le vivant, des moments uniques pour  faire le parallèle entre l’humain et le végétal à travers une expérience immersive. J’invite les enfants par exemple à se mettre à la place d’une graine ou encore à découvrir la vie en société des petits insectes et bestioles ! Ce sont des ateliers vivants, interactifs, et riches d’échanges et d’apprentissages pour les enfants  comme pour moi qui m’enrichis de chaque rencontre. J’ai démarré ces actions avec Agridemain, et ensuite avec la chambre d’agriculture et le CIVAM Racines. Agridemain proposait d’animer un atelier dans les écoles et j’ai adoré. Ça a bien marché, et j’ai adoré rendre les choses ludiques et transmettre des choses techniques en adaptant mon discours à ce public : parler de semis, de photosynthèse, de sols, de cycle de vie. C’est très important car les enfants sont aujourd’hui très déconnectés de tout cela et il est essentiel de les sensibiliser. J’essaie de leur transmettre mon amour des plantes, de leur redonner confiance sur le fait qu’ils peuvent cultiver, et de véhiculer un peu de magie avec les graines et mes outils. J’aime profondément transmettre ma passion pour le vivant ! Quelles seraient tes recommandations aux décideurs publics et privés sur le retour à la terre et notamment sur le volet féminin ? En premier lieu, je les inviterais à encourager

Je ne suis pas la femme d’un agriculteur, je suis agricultrice #3

Ouvrir la voix·e     Mon désir de transmettre un métier et de renouer un dialogue entre agriculteurs·trices et consommateurs·trices n’a cessé de grandir. J’ai donc créé Terrattitude, pour une agriculture positive : la boîte à outils des consom’acteurs d’aujourd’hui et de demain.   Photographie @Aurélie Baudran   À travers Terrattitude, je donne des outils pédagogiques, pour comprendre l’origine de nôtre alimentation, recréer le lien entre paysan·nes et consom’acteurs·trices, préserver l’environnement, et augmenter l’économie locale.   À chacun de faire son choix avec mes outils pour tous les âges ; où je rends l’information accessible, à travers mon témoignage, mes connaissances personnelles et professionnelles ainsi que celles d’autres confrères.   “Ce que j’essaye de faire également avec Terrattitude c’est de nous faire respecter. Respecter les gens qui nous nourrissent est essentiel.”         Une société qui ne respecte pas ses agriculteurs·trices, ne les encourage pas à continuer, ne les soutient pas dans de nouvelles démarches… est une société qui va droit dans le mur pour l’humanité. Ces personnes-là sont au contact chaque jour avec le vivant. Le travail en collaboration avec le vivant est magique, vibrant et sain. Respectons-les, donnons-leur de la légitimité, de la crédibilité.  Il faut encourager les agriculteurs·trices, mettre les moyens nécessaires pour ne pas perdre ce savoir-faire, et donner de la valeur au bien-être des paysan·nes.    “On a besoin d’exister, de se faire respecter et c’est aussi en s’entraidant qu’on va y arriver.”     Heureusement, entre femmes et hommes du même secteur, on peut se soutenir, s’entraider dans la bienveillance. J’insiste : ensemble, on est plus fort·e·s.   Pour ma part, des femmes et des hommes m’ont soutenue lors de périodes plus stressantes, plus dures. Je me sens comprise par des femmes de mon secteur comme des clientes ou d’anciennes agricultrices par exemple, qui ont eu ou ont le même statut que moi et qui en plus doivent gérer leur famille. Ce qui ressort le plus de nos conversations sont le manque de temps, les journées qui passent à une vitesse folle, le fait de se sentir petite face à la situation de l’agriculture et incomprise dans cette société par rapport aux femmes d’autres secteurs.   Photographie @Aurélie Baudran     Une crainte s’ajoute pour moi, celle de ne pas pouvoir gérer une vie de famille, car mon travail me prend énormément de temps.   J’ai eu la chance de rencontrer des femmes comme Joëlle de solidarité paysans, Sophie, Florence, Julie, Claire, Eve, Estelle, Emma, Nelsina, mes collaboratrices, Les Elles de la Terre, … qui ont su m’écouter, me conseiller et qui m’ont inspiré. Grâce à elle, j’ai pu évoluer, m’affirmer, prendre ma place et trouver ma voix·e.   Chacune doit pouvoir trouver sa place, sa voix·e, tout en travaillant en collaboration avec les autres membres de sa famille ou de celle de son conjoint. Aujourd’hui je me sens libre d’évoquer ce sujet et de développer mon business et mon exploitation. Mon métier c’est de faire pousser des graines pour en faire de belles plantes productives et j’espère avoir réussi cela avec vous.   « Je travaille dans un secteur invisible, pépiniériste de plants maraîchers, et je suis une femme qui travaille dans un milieu masculin, mais j’existe et je suis légitime. » Ma voix compte !   Photographie @Aurélie Baudran

Je ne suis pas la femme d’un agriculteur, je suis agricultrice #2

Retrouver sa place de leader Il est vrai qu’être la femme, la compagne, du patron n’est pas facile à gérer. D’un point de vue extérieur, on vous donne une place de second plan, ou d’invisibilité, car ce ne sont pas vos terres, pas votre argent, même si vous devez les gérer comme si c’était à vous. On m’a déjà posé plusieurs fois la question de savoir si j’étais rémunérée. Oui, je le suis. J’ai d’ailleurs un statut de cadre. Mon compagnon n’apprécie pas cette question, car, pour lui, il est inimaginable que je travaille sans rémunération. D’autres peuvent penser, avant de vous connaître, que vous êtes une ouvrière agricole ou que vous avez profité de la promotion canapé. Maintenant je précise, et même mon compagnon le fait naturellement, que nous nous connaissions, et nous nous fréquentions bien avant de travailler ensemble à la pépinière. Photographie @Aurélie Baudran     Mon compagnon est un soutien dans mes projets et nous nous complétons. Chacun est plus à l’aise avec certaines tâches. J’ai un œil sur ce qu’il fait, il me l’explique et vice versa. Nous avons ainsi chacun des notions de ce que fait l’autre. Je suis une valeur ajoutée à l’entreprise, j’ai développé un nouveau produit, et j’apporte ma touche personnelle à l’entreprise. Mais pour cela j’ai tout de même dû me remettre en question afin d’être encore plus efficace. Il a fallu que je prenne soin de moi, que je me fasse confiance et que je délègue. À partir de ce moment-là, les idées sont devenues plus claires pour avancer, évoluer et en prenant de la hauteur, on se rend compte que l’on est encore plus écoutée de la part de nos équipes, clients et fournisseurs. C’est à moi de m’imposer, de me mettre en avant, et d’oser faire entendre ma voix, ma vision de l’entreprise et même de savoir dire non lorsque c’est nécessaire. Je fais partie des 21 % de femmes conjointes d’agriculteurs, et également des 45,5 % de femmes présentes dans le secteur de l’horticulture et de la pépinière. Ce pourcentage n’est pas assez représentatif, car mon métier est une niche et il existe peu de chiffres représentants ce secteur. Pourtant mon métier est à l’origine de l’alimentation en fruits et légumes des Français. Depuis le début de ma carrière, je me sens incomprise par la société, et cette sensation s’est accrue lors de la période de l’agribashing. À partir de ce moment-là, mon envie de retrouver ma place en tant que femme engagée s’est affirmée.   Photographie @Aurélie Baudran

Je ne suis pas la femme d’un agriculteur, je suis agricultrice #1

Comment devient-on invisible ?    Photographie @Aurélie Baudran     Je suis Amandine, fille et petite fille d’agriculteurs, et agricultrice, j’écris ce manifeste pour vous dire que j’existe.   J’ai envie de transmettre mon métier, que vous compreniez mon métier, et pour toutes les femmes agricultrices que vous sachiez que nous ne sommes pas isolées, que nous ne sommes pas seules et que l’on peut se soutenir.   Cela a été difficile pour moi, de prendre la parole, car ce n’est pas mon métier, j’ai beaucoup de choses à dire, parfois je peux les dire de manière abrupte, mais ce n’est pas grave, l’essentiel est que nous, toutes et tous, on apporte des solutions et que l’on partage ensemble des valeurs humanistes.   Il y a 11 ans, j’ai découvert mon métier, un métier insoupçonné, celui de pépiniériste de plants maraîchers, un métier pour moi invisibilisé. Pourtant mon compagnon, avant que je travaille avec lui, m’avait déjà parlé de son métier, mais j’avoue que j’avais moi-même du mal à le comprendre et à le visualiser.   Photographie @Aurélie Baudran     Même si je viens du milieu agricole, j’ai grandi en milieu rural, j’ai dû m’adapter à cette nouvelle vie, à ce métier, et également en tant que belle fille, compagne et associée de mon compagnon. J’ai dû trouver ma place, trouver ma voix·e, cela n’a pas été facile, mais on y arrive avec du temps, du travail, et de la bonne énergie. Naturellement vous devez vous intégrer à une équipe, aux clients, vous apprenez le métier, vous travaillez également avec la belle famille, tout ce mélange. La difficulté est de s’imposer avec délicatesse et assurance en même temps et surtout de ne pas décevoir. Il fallait que je prouve que moi aussi j’avais ma place et que je n’étais pas que “la copine” du patron, ou de leurs fils. Dès mes débuts à la serre, j’ai dû mettre ma timidité de côté, m’imposer face à des clients, des fournisseurs, mais aussi des collègues. Cela n’a pas toujours été facile et pour cela, j’ai dû sortir de ma zone de confort, m’affirmer et oser. Je devais montrer que moi aussi j’étais capable et légitime dans mon secteur d’activité. Aujourd’hui je suis fière de mon parcours, de notre parcours.     Photographie @Aurélie Baudran     Mon compagnon a fortement développé son secteur : le plant de melon, de salade et de courgette, et de mon côté j’ai amélioré la diversification de plants pour les professionnels et les particuliers avec notamment des plantes rares et originales, ma sensibilité qui est une force, m’a amené à améliorer le bien-être au travail de mes équipes. Nous avons chacun nos postes bien définis, et nous n’empiétons pas sur celui de l’autre. Il n’y a aucune compétition de chiffres, de résultats, c’est un travail d’équipe, chacun à son poste. Et nous en profitons pour demander des conseils, nous entraider si besoin.   Pour atteindre une certaine légitimité, j’ai dû en faire autant voire plus qu’un homme, (pas + que mon compagnon, il est lui à un niveau inhumain) même au niveau physique. J’ai contribué, à ma manière, au montage de serres avec mon compagnon. J’ai aidé à faire du bricolage, de l’électricité. Il est vrai que, n’ayant pas une musculature développée, je suis limitée physiquement. J’ai des difficultés à réaliser certaines tâches qu’un homme peut faire, mais cela ne m’empêche pas d’être crédible et légitime. Il y a des tâches (plutôt administrative, de gestion des équipes, de gestion de culture…) pour lesquelles je suis plus à l’aise. Je suis également consciente que je n’ai pas une capacité physique développée pour un métier plus physique avec, par exemple des ports de charge lourde ou pour effectuer de la mécanique ; et cela m’intéresse beaucoup moins aussi.   Je pense qu’en tant que femme on ne doit pas avoir honte de cela et, surtout, cela ne doit pas enlever notre légitimité. On ne doit pas être mise au second plan, en tant que femme d’agriculteur, mais au même niveau qu’un homme en tant que femme agricultrice. À force de vouloir montrer, prouver que je suis légitime, je me suis totalement oubliée, perdue dans mon travail, à gérer les tâches diverses et variées  comme de l’administratif, du travail en serre, de la gestion d’équipe, de culture, clients… Et je suis tombée dans le piège du trop, je me suis invisibilisée, car je ne prenais pas assez de temps pour moi, ne serait-ce que pour bien manger ou faire une pause. Les plants de légumes et les clients passaient avant moi. Je voulais prouver que, moi aussi, je pouvais y arriver et que j’en étais capable. À l’époque, pas grand monde croyait en mon compagnon et en moi, mais je croyais en moi, en nous et surtout en notre travail.   Voilà comment on devient invisible et comment je me suis oubliée.   Photographie @Aurélie Baudran

Cultiver la différence, mon melting pot

Cultiver les différences - Terrattitude

La différence fait peur, effraie, intrigue. Cultiver la différence, cette lumière que l’on a tous en nous.  Ne jamais l’éteindre malgré les difficultés de la vie, du métier. Cette différence-là, j’essaie de la cultiver en moi, chaque jour ainsi que dans mon métier. Une plante différente, cabossée par la vie, un peu frêle, un peu âgée, mais bien vivante, sera tout aussi lumineuse et productive.  Il suffit juste de prendre soin d’elle, et de cultiver sainement son jardin.  Dans ma pépinière, je souhaite cultiver cette différence avec le végétal, et mes rencontres humaines.  Les rencontres, et les échanges avec le végétal et autour du végétal sont riches en idées et en créativités. Ce brassage d’idées, de cultures, d’origines reflète mon ADN.  Ce melting pot végétal et humain est pour moi un milieu profondément terrien.

L’échec

L'échec - Terrattitude

L’échec est un mot dans notre culture qui fait peur. Ce mot, échec, n’est pas en mon sens mis en avant à sa juste valeur dans l’éducation et dans le milieu professionnel. Sans échec, sans erreur, l’être humain ne peut pas grandir et évoluer.  D’un échec, d’une erreur, il y a des leçons à en tirer.  L’échec fait partie de mon apprentissage en tant qu’être humain. Il fait peur, et peut faire mal à la fois, mais pour moi, il est nécessaire de le vivre et de l’expérimenter.  Oui ! je l’ai vécu :  – dans le milieu scolaire, – dans le milieu professionnel. L’essentiel est d’en conclure des fins positives et de tout faire pour se relever et continuer d’avancer afin de réussir.  La recette de la réussite passe obligatoirement par l’échec. Il n’y a pas d’échec négatif, tout est expérience. L’échec est le chemin vers la réussite. Oui ! nous avons tous la main verte. Je pense que chaque être humain a la main verte, a le pouvoir de faire germer une graine pour faire pousser une plante et cultiver son jardin.  Il suffit d’essayer, de semer des graines, de se planter, de cultiver sa réussite. Le végétal est une bonne leçon de vie, d’apprentissage et de résilience. Le comprendre n’est pas toujours facile, comme comprendre tout être vivant, mais l’apprivoiser, l’expérimenter est un bon début.  Tenez-vous prêt à semer et à planter, la saison 2023 est là ! 

Déracinée

Déraciné - Terrattitude

C’est l’histoire d’une graine qui a été plantée et qui a germé dans le sud-ouest de la France. Cette graine s’est enracinée et a développé son système racinaire grâce à ses origines multiples, à ses rencontres riches, et à ses voyages. Cette graine s’est transformée en plante, et elle a été déracinée pour être replantée en pleine terre dans un nouveau lieu. Cette plante a dû refaire sa place, refaire de nouvelles racines pour s’ancrer profondément. Elle a dû s’adapter à un nouvel écosystème, un nouveau sol, une nouvelle luminosité, une nouvelle hygrométrie… De plus cette plante a dû développer de nombreux moyens de protection, afin d’être résistante aux attaques d’insectes ravageurs, aux fortes pluies, aux fortes chaleurs, aux vents violents, aux nouvelles maladies… Parfois même, elle est assombrie par le feuillage de ses congénères qui l’empêche de pousser correctement. Cette plante repiquée, replantée doit résister à ces extrêmes coute que coute. Cette plante continue malgré tout d’être en pleine croissance, son feuillage prend de plus en plus d’importance, et elle a dû trouver sa place face à de nouvelles congénères qui vont partager sa nouvelle vie. Les signes d’une bonne reprise de la plante sont nombreux ; ses racines, son feuillage, ses bourgeons, ses fleurs, son fruit indiqueront que celle-ci est pleinement épanouie.

La diversité agri-culturelle 

L’histoire de mes ancêtres est liée à la terre, et à la diversité de culture. Mon grand-père yab* réunionnais était coupeur de canne à sucre (ouvrier agricole) dans le nord de l’île de la Réunion.    Mon grand-père zoreil** était agriculteur en polyculture élevage dans le Tarn-et-Garonne. Ma mère réunionnaise, descendante d’un père yab et d’une mère malbaraise***, et mon père zoreil** étaient agriculteurs en polyculture élevage dans le Tarn-et-Garonne. Mon oncle, lui, était ancien céréalier dans le Tarn-et-Garonne.  Ma tante, réunionnaise, et son fils sont producteurs de canne à sucre et de vanille Bourbon dans le nord de l’île de la Réunion.     Mon ADN est profondément terrien.  J’ai voulu m’éloigner de la terre, de mes racines pour me fondre dans la masse. Cette décision était une volonté d’effacer mes différences, mon éducation et les préjugés négatifs liés à mes origines et à mon métier. Le destin en a voulu autrement : je suis retournée à la terre et je me suis reconnectée à mes racines agri-culturelles. Mon histoire générationnelle, mon passé, mon présent et mon futur sont profondément riches en diversités des cultures.    

La résilience

Lorsque vos racines sont profondes, vous êtes profondément ancré, vous n’avez pas à craindre l’orage. Continuez de grandir, de faire évoluer vos idées telle une plante sauvage qui pousse naturellement dans ce milieu parfois hostile. La pluie est bien nécessaire au développement de cette graine, de cette plante qui pratique la résilience.

L’histoire d’une graine 

Une si petite graine, ne paraissant ni appétissante ni puissante, est comme invisible aux oiseaux, aux rongeurs et aux jardiniers. Cette petite graine se sent rejetée. Elle se trouve différente des autres graines plus majestueuses et aimées de tous les êtres vivants.    Cette petite graine, elle ne se fait pas remarquer. Pourtant, elle a pu se réveiller et survivre malgré les obstacles climatiques, et les prédateurs rencontrés dès le début de sa vie. Sa croissance est plus lente que celle des autres graines, cependant sa puissance est bien là ! Cette toute petite graine se développe lentement, mais surement grâce à :    – ses solides racines qui s’ancrent profondément dans la terre,    – sa robuste tige qui lui permet de résister aux conditions extrêmes. Même si elle peine à se développer, les années passent. Il ne reste plus grand-chose de ces belles graines et belles plantes qui ont poussé plus vite qu’elle.    Ces belles plantes ont très vite été consommées ou consumées lors du stade de graine ou en plein développement.     Cette si petite graine qui paraissait invisible, sans odeur ni saveur ; elle est toujours là ! Elle pousse à son rythme, fait face aux obstacles, et est résiliente. Petit à petit, cette plante se couvre de feuillage bien vert.    Au bout de sa tige, un bouton apparaît et une fleur s’ouvre au fil des jours. Cette fleur est magnifiquement belle, colorée, odorante.    Tous les êtres vivants l’admirent pour sa résilience et surtout, les insectes pollinisateurs pour son parfum. Le rejet, la différence sont finalement une force pour l’accomplissement de sa croissance. Pour conclure, cette si petite graine qui s’est transformée en belle plante va produire de belles graines aussi puissantes qu’elle.    Ces graines semées permettront de pérenniser cette histoire qui, elle, rentrera dans l’histoire des civilisations.